Duende dérive de « Dueno de la casa » (Maître de la maison), le duende est un esprit qui, d’après la tradition populaire, habite certaines maisons en y causant quelques dérangements. Il s’agit d’un esprit follet, d’un démon ou d’un lutin qui parcourt l’intimité des foyers. Cette notion a peu à peu quitté le corps des maisons pour investir le corps des toreros et des chanteurs de flamenco. Indéfinissable, mais repérable au premier coup d’oeil, le duende est la vibration nécessaire à l’Arte andalou. On danse, on chante, on torée avec duende.

Convoqué, il descend  sur celui qui ose regarder la mort en face et qui, d’un geste sublime, revient à la vie sans espérer de consolation. De ce geste qui dépasse la technique, le duende fait naître un pur moment de grâce, fugace et terrifiant, seul capable de mettre en état de suspension le performer et son audience. Il est le moment de création qui accepte la confrontation directe entre pulsion de vie et pulsion de mort comme seul moteur universel de l’être au monde et donc, comme seule esthétique possible de l’habiter.

« Pour chercher le Duende,  il n’existe ni carte ni ascèse. On sait seulement qu’il brûle le sang comme une pommade d’éclats de verre, qu’il épuise, qu’il rejette toute la douce géométrie apprise, qu’il brise les styles, qu’il s’appuie sur la douleur humaine qui n’a pas de consolation, qu’il entraîne Goya, maître dans l’utilisation des gris, des argents et des roses de la meilleure peinture anglaise à peindre avec ses genoux et avec ses poings dans d’horribles noirs de bitume (…) »

Jeu et théorie du duende – Federico Garcia Lorca.